Découverte d’un savoir-faire : l’impression sérigraphie avec Martial
Dans la continuité de notre premier article Visite d’un atelier sérigraphie au Burkina Faso, et grâce à notre rencontre avec Martial, sérigraphe depuis plus de 20 ans, nous nous intéressons aujourd’hui plus particulièrement aux techniques et aux spécificités de l’impression sérigraphie “made in Burkina Faso”. Car en effet, si cette technique d’impression de motifs – impression pouvant être répétitive et sans déformation grâce à des pochoirs ou écrans de soie – a beaucoup évolué avec le temps, elle est restée très artisanale au Pays des Hommes Intègres.
Outils et technique
Tout commence par son ordinateur, grâce auquel il dessine en vectoriel l’image ou le motif demandé. Celui-ci peut avoir été défini par le client ayant une idée précise du rendu voulu, ou par Martial lui-même à partir d’une idée ou d’une vague esquisse. Ce format de fichier lui permet de modifier le dessin puis de l’imprimer facilement et rapidement sur une feuille de calque.
Creation et impression du dessin sur une feuille de calque
Avant de posséder un ordinateur, il était obligé de le dessiner à la main et à l’encre de Chine avec des rotrings, des T, des équerres etc… Ce travail prenait beaucoup plus de temps et pouvait être moins précis.
La feuille de calque avec le motif est posée sur une insoleuse, et par dessus l’écran
La feuille de calque sur laquelle est imprimé le motif est ensuite posée sur une insoleuse, qui va permettre de créer le pochoir par un système d’insolation. L’insoleuse de Martial est une sorte de boîte lumineuse dont l’un des côtés est translucide et dans laquelle se trouve deux néons. C’est sur cette surface en verre que Martial posera la feuille de calque, elle-même surplombée d’un écran. Et c’est cet écran qui, une fois l’insolation finie, servira de pochoir pour l’impression.
L’insoleuse et le calque
Le cadre avec le pochoir créé
L’écran est ici constitué d’une toile en soie tendue, fixée sur un cadre en bois. Dans les ateliers plus industrialisés d’aujourd’hui, le cadre est plutôt en aluminium et la toile en tissu synthétique. Pour créer le pochoir, la toile de l’écran est recouverte d’un produit photosensible qui durcit sous les rayonnements UV. C’est cette opération qui s’appelle “l’insolation”. Le reste du produit qui aura été protégé des rayonnements UV s’enlève tout simplement à l’eau, permettant ainsi à l’encre de passer à travers le tissu. Là où le produit a durci, l’encre ne passe pas.
Pour la plupart de ses commandes d’impression sérigraphie, Martial utilise un tissu de soie de 50 fils par centimètre. En effet, la précision du motif dépend de la maille du tissu, exprimée en nombre de fils par cm. Plus le nombre de fils est élevé, plus la maille est serrée, et donc moins l’encre passe à travers. Cela permet de produire des motifs plus précis. Par exemple, pour les tous petits motifs, Martial utilise un tissu composé de 200 fils / cm.
Principe de l’insolation
Pour résumer, nous avons donc des rayons UV émis par les néons qui vont traverser la vitre de l’insoleuse, traverser le calque -sauf sur la partie du motif imprimé puisque l’encre noire arrête les UV-, et vont faire sécher le produit photosensible sur le tissu de soie du cadre, en laissant apparaître le motif de la feuille par soustraction. Le pochoir est ainsi créé !
Pour appliquer le motif sur son support, qu’il soit en tissu, en bois ou en papier, il suffit ensuite de positionner l’écran-pochoir puis d’appliquer et d’étaler l’encre par dessus, à l’aide d’une racle. Il faut cependant savoir qu’on ne peut appliquer qu’une couleur à la fois. Ainsi, si l’on souhaite que le dessin soit composé de plusieurs couleurs, il faudra donc créer un pochoir par motif coloré, et les appliquer à tour de rôle. Plus un motif est coloré, et plus il demandera de travail !
Application d’un motif sur un support à l’aide de l’écran-pochoir
L’encrage du tissu grâce au pochoir du cadre
© Nathalie Jacquault
Un travail artisanal
Comme nous l’avons vu, les outils de l’impression sérigraphie utilisés par Martial sont plutôt simples et artisanaux. De lui-même, il dit que son atelier est “loin des machines de sérigraphie en Europe”, et cela concerne tout le pays.
Les machines utilisées pour les pratiques plus industrielles s’appellent des caroussels, mais ne seraient finalement pas adaptées pour une pratique locale, principalement parce qu’il faut de grosses commandes -entre 5 000 et 10 000 T-shirts par exemple- pour que cela soit rentable. Installer le caroussel prend également beaucoup de temps ; faire un travail artisanal à la mains est donc plus rapide et beaucoup plus adapté à ses commandes. De plus, les encres utilisées avec cette machine ne résisteraient pas au soleil.
Carrousel d”impression sérigraphie textile automatique
Source: www.graphywest.com
Les encres qu’il utilise sont importées de l’étranger. Les couleurs sont donc déjà définies et prêtes à l’emploi, car faire soi-même ses encres n’est pas possible pour une pratique artisanale selon Martial : celles-ci ne se conserveraient pas bien. Cependant, il peut mélanger des encres déjà prêtes pour obtenir la teinte qu’il veut ; avec les couleurs primaires comme base tout est possible. Ce sont les pigments et la base qui sont compliqués à obtenir. Car en effet, si l’on veut du bon matériel, venant souvent d’Europe, il faut avoir une clientèle qui souhaite avoir un produit fini de qualité, mais surtout un produit plus cher. Ce n’est actuellement pas le cas.
Impression de notre motif Cori en différents coloris dans l’atelier de Martial
© Nathalie Jacquault
Malgré un fonctionnement artisanal, le travail d’impression sérigraphie de Martial est de qualité et très précis. Selon lui, il est le seul dans tout le Burkina Faso à pouvoir faire de la sérigraphie “à la chaîne”, c’est à dire à pouvoir imprimer un motif linéaire sur plusieurs mètres de long proprement, sans avoir de jonction visible ni de décalage. Les autres ne le font pas, car cela demande trop de rigueur.
La sérigraphie textile pour les trousses et cabas Anouk d’Afrika Tiss réalisée dans l’atelier de Martial à Ouagadougou
© Nathalie Jacquault
Pour le futur, Martial souhaiterait pouvoir développer son activité, travailler dans un local plus grand, se plonger encore un peu plus dans les nouvelles technologies et posséder une insoleuse directement branchée à l’ordinateur. Mais en attendant, AfrikaTiss continue de travailler en collaboration avec lui pour vous proposer de nouveaux produits !
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