L’ARTISANAT TOUAREG, UN HÉRITAGE CULTUREL
Suite à notre article sur la place des artisans dans la société touarègue, nous nous intéressons aujourd’hui plus particulièrement à leur travail et à son apprentissage. Ces savoirs transmis de générations en générations constituent un véritable héritage culturel.
La répartition des tâches
Le cuir, le métal et le bois sont les trois matériaux utilisés dans l’artisanat touareg. A partir de cela, les « forgerons » -nom donné aux artisans Touaregs-, créent tous les objets de la vie domestique, allant des meubles et des piquets de tentes jusqu’aux armes et aux bijoux. Les hommes s’occupent des différents métaux tandis que le cuir est réservé aux femmes.
Objet traditionnel ; selle de dromadaire
“Tashkat”, sac pour les outils du feu
Objet traditionnel ; sabre
Le cuir est à la disposition de tous les éleveurs. Les peaux de chèvres peuvent être utilisées dans leur couleur naturelle, ou teintes. Les artisanes s’en servent pour fabriquer principalement des coussins, des sacs et des portefeuilles. Afin de réaliser tous ces objets, elles effectuent 3 gestes aux différentes étapes du processus : elles doivent racler (buttage et lustrage), découper et coudre.
Objet traditionnel ; coussin touareg
Ce sont donc les hommes qui s’occupent du métal, que ce soit des alliages ou de l’argent, voire du cuivre, etc. Les objets qu’ils fabriquent et réparent sont très variés, utilitaires ou décoratifs. Ceux que l’on peut facilement voir en tant qu’étranger ou touriste sont surtout des objets d’art, principalement de très beaux bijoux -alliant parfois argent et ébène- ainsi que d’autres mêlant métal et cuir, comme les cannisters et les bols qu’Afrika Tiss vous propose !
Les artisans d’AfrikaTiss en plein travail !
Objets et bijoux traditionnels
En argent, ébène et cuir.
Chez les Touaregs, les croix sont très présentes. Chacune d’entre elle représente une ville. Pour les Touaregs du Niger, il y en a 27.
Les outils
Les artisans ne se séparent jamais de leurs outils, qu’ils fabriquent par ailleurs eux-mêmes. En effet, même s’il est plutôt rudimentaire, le matériel dont ils ont besoin ne se trouve pas sur les marchés habituels. Fabriquer ses propres outils est donc obligatoire et permet de les adapter à des usages spécifiques, afin qu’ils correspondent parfaitement aux effets voulus et aux gestes nécessaires pour les obtenir.
Le martelage
La bague pour imprimer un motif, sur le métal comme le cuir
Avec le temps, les objets crées par les artisans ont beaucoup évolué, en fonction des recommandations et surtout de ce qui plaît aux clients. En effet, ceux-ci sont de moins en moins présents depuis plusieurs années. Afin de continuer à vendre correctement leur production, Wasessan Badi, membre du projet “Bijoux Nomades Mali”, nous dit cependant : “On s’est modernisé, mais on a toujours gardé notre culture”. Malgré ces changements et cette nécessité d’adaptation, l’artisanat touareg reste donc un travail hérité de génération en génération
La transmission des savoir-faire
Que ce soit pour le travail du bois, du métal ou du cuir, la transmission des connaissances techniques et esthétiques de l’artisanat touareg commence dans la famille. Dès 6 ans, les garçons quittent petit à petit leur mère pour fréquenter la forge, tandis que les filles restent avec elle pour observer leur travail. Cet apprentissage genré correspond à la réalité de l’artisanat touareg.
Pour les garçons, il s’agit d’un apprentissage par incitation, d’une “imprégnation informelle”, sans contrainte. Ils baignent très tôt dans ce milieu, et la transmission commence par l’envie d’imiter leurs parents et de les aider, par exemple en leur passant des outils. En effet, les touaregs travaillent ensemble et se partagent ces outils, la plupart du temps assis sur des nattes. Cette aide leur évite alors de se lever trop souvent et permet aux enfants de se familiariser avec le matériel. Les garçons commencent toujours par travailler le bois, avant d’essayer le fer puis l’argent.
Lors de leur apprentissage, tous les garçons voient les mêmes choses et acquièrent tous les savoir-faire de base sur le bois et le métal. C’est plus tard qu’ils se spécialisent dans la boissellerie, la forge ou la bijouterie. L’apprentissage se faisant dans un contexte familiale, les enfants se trouvent cependant influencé par la spécialité de leur père, continuant presque toujours dans la même voix.
Les filles, quant à elles, restent toujours avec leur mère. Celles-ci travaillent le cuir au sein même de la tente domestique. Constamment en contact avec le travail du cuir, les fillettes voudront alors d’elles mêmes essayer d’imiter les adultes avec des chutes de peaux trouvées ça et là.
De manière générale, la présence des enfants sur ces lieux de travail peut gêner les adultes, créant quelques dérangements lorsqu’ils jouent ou piquent des outils. Mais les artisans touaregs semblent faire preuve d’une grande patience en ne les réprimant pas sévèrement, mais plutôt en les accompagnant et en les incitant à apprendre.
Le travail se fait en famille, même avec les plus petits !
Collaboration entre les artisans et AfrikaTiss
Cette tradition d’échange et de partage de savoirs, hérités de pères en fils et de mères en filles, s’est ouvert à l’international en 2016 lors de la rencontre entre les membres d’Afrika Tiss, 6 designers Français et 17 artisans réfugiés Touaregs pour une résidence artistique de plusieurs semaines intitulée “Design for Peace”. Ensemble à Ouagadougou pendant 2 mois, ils ont pu échanger leurs points de vues, leurs sensibilités et leur culture. Ils ont communiqué, réfléchi et faits de nombreux essais pour pouvoir proposer une collection d’objets contemporains s’inspirant des savoir-faire touaregs.
Toute l’équipe de la résidence artistique Design for Peace
Cette forte émulation créative, culturelle et humaine a aboutit à une alliance de modernité et de savoirs traditionnels, valorisant et magnifiant ainsi l‘artisanat touareg pour vous le rendre aujourd’hui accessible !